[Interview] Des Potions et Des Bulles !

Aux détours d’internet, j’ai rencontré la Sorcière Mirabelle, savonnière au chaudron magique qui crée des potions et des bulles. Voici son interview, réalisée en 2018.

-Bonjour, pourriez vous vous présenter ainsi que votre marque  ?

Docteur en biochimie de formation, j’ai très vite réorienté ma carrière vers l’enseignement afin de pouvoir davantage me consacrer à l’éduction de mes enfants. Passionnée par le travail en laboratoire, l’idée d’une savonnerie artisanale s’est imposée progressivement alors que le hasard de mes affectations avait voulu que je devienne enseignante de biologie, dermatologie et cosmétologie. La savonnerie Des Potions et Des Bulles est née d’une passion pour la formulation cosmétique et de la recherche d’un cadre familiale. L’univers de la savonnerie est le nôtre, parsemé de contes, de légendes et de personnages extraordinaires.

-D’où vous vient votre pseudo, la Sorcière Mirabelle ?

La sorcière Mirabelle, celle qui invoque au-dessus de son chaudron Lorrain ses formulations, n’est-ce pas une belle allégorie, une image poétique de la savonnière qui crée ses formulations  ? Nous l’avons fait naître pour incarner notre savonnerie lors de notre financement participatif et elle s’est vite imposée comme une image appréciée de nos soutiens.

-Pouvez nous nous expliquer le processus de fabrication d’un savon dans vos ateliers ?

La technique utilisée dans notre laboratoire est celle de la saponification à froid qui permet de respecter les huiles et de garder leurs bienfaits tout en libérant de la glycérine végétale protectrice pour la peau. Nos savons sont principalement produits à partir d’huiles et de beurres d’origine végétale, certains incluent dans leurs formulations des matières d’origine animale  : Lait, miel et propolis. Une fois l’ensemble des corps gras fondu au bain marie à 45°C, nous effectuons la réaction de saponification en ajoutant la soude diluée dans de l’eau.

Lorsque la réaction débute, la pâte s’épaissie, nous ajoutons alors notre composition parfumante exclusivement préparée à l’aide d’huiles essentielles et s’il y en a nos actifs (par exemple de la poudre de coques de noix pour un effet exfoliant). La pâte est colorée à l’aide de pigments naturels (argiles, ocres ou oxydes métalliques) dans sa totalité ou partiellement afin de pouvoir effectuer un marbrage. Le savon est ensuite coulé, démoulé 24h plus tard puis séché à l’abri des UV pendant 4 à 6 semaines. Les savons sont tranchés, tamponnés et entièrement conditionnés dans notre atelier de Petitmont.

-J’ai récemment découvert que la fabrication d’un savon libère des gaz qu’il ne faut pas respirer, y compris pendant le séchage. Cela m’a étonnée car je n’en ai jamais entendu parler, y compris sur les sites de savonniers. Pourriez-vous préciser ces dangers ? Comment les contournez-vous dans vos ateliers  ?

Lorsque les matières premières sont des huiles, des beurres ou des cires, il n’y a pas de dégagements de gaz au cours de la saponification. Les triglycérides ou les cérides des huiles étant simplement transformés par la soude en savon (sels d’acides gras) et en glycérine végétale. De l’eau est également formée mais aucun dégagement de gaz. Il n’y a donc pas de danger hors mis l’exposition à la soude qui reste corrosive et dont les éventuelles projections doivent être maîtrisées.

-Certaines blogueuses avisées fabriquent leurs cosmétiques elles mêmes. Qu’en pensez-vous ?

Pourquoi pas si elles respectent les dosages conseillées par les différents fabricants de matières premières cosmétiques et qu’aucun commerce n’est lié à cette production domestique. Les cosmétiques sont très strictement encadrés par la loi et doivent faire l’objet d’une validation toxicologique ainsi qu’une déclaration à l’échelle européenne. Ces règles doivent être respectées et sont malheureusement trop souvent détournées.

-Auriez-vous des conseils pour celles qui souhaitent se lancer ?

Pour envisager de produire et/ou de conditionner des cosmétiques, la première chose à faire et de se mettre au clair avec la réglementation, connaître son exigence. Il est nécessaire de se faire encadrer par les bonnes personnes notamment au niveau toxicologique et de créer un laboratoire qui soit dûment déclaré à l’ANSM et qui permette le respect des Bonnes Pratiques de Fabrication selon la norme ISO 22716. Lorsqu’on est sûr de vouloir relever ce défi qui est lourd et contraignant, alors c’est parti pour le côté sympathique qu’est la formulation, la production et bien sûr la vente et son lot de belles rencontres.

-Vous fabriquez des savons spécifiques pour chien. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Nous avons mis au point deux modèles de savon pour nos amis poilus  : un savon pour un poil brillant avec de l’huile de ricin, de la cire d’abeilles et de l’huile essentielle de Bay saint Thomas, trois ingrédients qui contribuent à la santé et à la brillance du poil et un savon qui contient un antiparasitaire naturel  : l’huile et la poudre de Neem. Les deux sont parfumés avec des huiles essentielles et permettent de laver les quatres pattes avec des ingrédients naturels et respectueux de leur peau et de leur pelage.

-Il est assez difficile pour une consommatrice lambda de s’y retrouver dans la composition des produits. Si nous devions absolument fuir l’un d’eux, lequel serait-ce selon vous ?

La question est difficile, il y a de nombreux ingrédients à fuir. Il faut savoir qu’à ce jour les substances CMR II (cancérigènes, mutagènes, reprotoxiques probables sont autorisées dans les cosmétiques…. Et oui  !!!!). Malgré tout j’ai une nette aversion pour l’utilisation du formaldéhyde, de la méthylisothiazolinone notamment dans les produits bébé ainsi que des dérivés sulfatés qui sont légions dans les produits moussants commerciaux dont certains shampoings solides qui surfent pourtant sur une vague écologique et sur le désir d’un retour aux ingrédients naturels.

-En ce moment, on peut dire qu’il y a polémique sur polémique dans la cosméto. Que pensez-vous/conseillez vous au sujet des baumes à lèvres ?

Il faut rechercher des baumes à lèvres naturels, éviter les huiles bas de gamme issues de la pétrochimie (vaseline, paraffine) et éviter les antioxydants synthétiques du type butylhydroxyanisole ou butylhydroxytoluène. La vitamine E et la vitamine C fonctionnent tout aussi bien tout en prenant soin de l’épiderme fragile de la bouche.

-Pourquoi les labels bio ne sont pas un gage de produit quasi irréprochable ?

De nombreux labels bio sont permissifs et autorisent l’ajout de molécules synthétiques telles que l’alcool benzylique par exemple un conservateur antimicrobien efficace certes, mais également irritant. Dans les savons certains labels autorisent également l’usage de séquestrants comme le tetrasodium glutamate diactétate un proche de l’EDTA. Si ces molécules ont peu d’impact sur la santé lorsqu’elles sont utilisées sur la peau, l’impact écologique n’est pas négligeable puisque ce sont des ingrédients non biodégradables qui finissent en fin de chaîne dans les eaux naturelles.

Ce manque de rigueur nous a poussé à valoriser notre démarche 100% naturelle autrement que par des labels qui nous auraient mis en compétitions avec des cosmétiques industriels moins transparents du point de vue de l’environnement. Nous avons préféré adopter une démarche pédagogique en expliquant nos formulations directement auprès du consommateur en quête de vérité plus que d’un label lors des marchés et des ateliers.

-Selon vous, si nous devions ne nous fier qu’à un seul label, lequel serait-ce ?

Je dirais Nature et Progrès mais je dois admettre que cela fait un petit moment que je ne me suis pas penchée sur les différentes chartes.

-Les bougies et encens ont été pointés du doigt pour libérer des substances toxiques pour la santé. Quel est votre avis sur le sujet ?

Nous sommes très rigoureux face aux substances et compositions parfumantes intégrées à nos bougies. Nous évitons, par exemple, sauf exception les huiles essentielles qui sont instables à la combustion et libèrent des composés secondaires qui peuvent engendrer une pollution de l’air intérieur. C’est également le cas de certains parfums bon marchés. Nous préférons l’utilisation de parfums de Grasse certes synthétiques mais certifiés sans CMR (cancérigène,mutagène, reprotoxique) et parfaitement adaptés à la combustion. Nous utilisons par ailleurs une cire végétale qui n’est donc pas issue de l’industrie pétrochimique, ce qui limite fortement un éventuel impact négatif sur l’environnement que ce soit en cours de combustion, la cire est davantage dégradée, qu’au cours de sa production.

-Avez vous un projet particulier pour 2018 ?

Deux de nos formulations sont encore à ce jour en validation toxicologique et nous attendons les résultats avec impatience. Nous souhaitons également agrandir notre gamme de soin corps débutée avec notre crème Rituel de Lorraine et une nouvelle formulation sera réfléchie dès le premier trimestre de la nouvelle année. De nouveaux ateliers devraient également voir le jour et nous l’espérons une jolie boutique dans notre charmant village de Petitmont.

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26 réflexions au sujet de « [Interview] Des Potions et Des Bulles ! »

  1. Sympa cette version journalistique…. Je suis devenue moins bête cet si je savais certaines choses ça restait fouillis dans ma tête…. Moi qui adore les savons et tous produits cosmétiques c’ést un top…. Je savais pour les chartes cosmétiques biosus tout n’y est pas rose et certains régissent d’en faire parti alors même que leurs compositions sont irréprochable bisou

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